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Contestation du classement d’une inscription d’une sépulture au titre des monuments historiques.

En droit, les travaux portant sur les sépultures sont soumis à un simple régime déclaratif (et non d’autorisation) si le règlement du cimetière le prévoit. Il ressort en effet du Code de l’urbanisme dans son art. 421-2 que : "Sont dispensés de toute formalité au titre du présent Code, en raison de leur nature ou de leur très faible importance, sauf lorsqu’ils sont implantés dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, dans les abords des monuments historiques ou dans un site classé ou en instance de classement : [...] i) les caveaux et monuments funéraires situés dans l’enceinte d’un cimetière ; [...]."

Le concessionnaire (ou ses ayants droit) est donc libre de faire construire sur l’emplacement concédé sans avoir à solliciter d’autorisation préalable (sauf si le cimetière se trouve implanté dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable, dans les abords des monuments historiques ou dans un site classé ou en instance de classement). Il en va de même quant la sépulture elle-même est classée.

Une application de ces obligations est exposée dans une décision de la Cour Administrative d’Appel de Paris du 11/12/2020.

En l’espèce par arrêté du 4 octobre 2006, le ministre de la culture avait classé parmi les trésors nationaux la sculpture dénommée " Le Baiser " de Brancusi réalisée en 1909 et ornant la tombe de Tania Rachevskaïa au cimetière du Montparnasse (concession perpétuelle). Par arrêté n° 2010-480 du 21 mai 2010, le préfet de Paris, avait inscrit au titre des monuments historiques, en totalité cette tombe avec la sculpture " Le Baiser " et son socle. Conséquence : tous travaux étaient désormais soumis à autorisation préalable limitant les droits des ayant-droits sur la sépulture.

Les ayant droits ont demandé au Tribunal administratif d’annuler ce classement et d'ordonner au préfet de procéder au réexamen de la déclaration de travaux à intervenir sur la sculpture " Le Baiser ".

Le juge d’appel dans sa décision rappelle que pour être inscrit au titre des monuments historiques en application de l'article L. 621-25 du code du patrimoine, un bien mobilier doit avoir été conçu aux fins d'incorporation matérielle à cet immeuble, et y être incorporé au point qu'il ne puisse en être dissocié sans atteinte à l'ensemble immobilier lui-même. La question est donc de savoir si la sculpture est dissociable de la stèle funéraire ou si elles forment un tout.

Pour inscrire au titre des monuments historiques, en totalité, la tombe avec le groupe sculpté " Le Baiser " et " son socle formant stèle ", le préfet de Paris avait considéré que la conservation du groupe sculpté " Le Baiser " présentait du point de vue de l'histoire et de l'art un intérêt public en raison de sa place dans l'œuvre de Brancusi et de son intégration à l'ensemble de la tombe avec son socle constituant la stèle funéraire et portant l'épitaphe gravée et signée par l’artiste.

Pour le juge, il ressort des pièces du dossier que la sculpture est la troisième pièce d'une série réalisée par Brancusi en 1909, antérieurement au décès de la concessionnaire et placée sur sa tombe en 1911 à l'initiative de son fiancé et ami du sculpteur.

Les ayant droit contestaient que l'épitaphe soient de la main du sculpteur et en produisaient une photo accompagnée de la traduction des inscriptions gravées en slave, d'où il ressortait des erreurs que n'aurait pu commettre l’artiste du fait de sa connaissance du vieux-slave. Ils produisaient, également la facture de la stèle fournie par le marbrier-sculpteur Ernest Schmit ne comportant aucune mention de l'adjonction d'un groupe sculpté, ainsi que la copie d'un ordre d'inscription de l'épitaphe passé par le père de la défunte. Enfin la circonstance que la stèle ait été réalisée en pierre d'Euville, pour s'harmoniser avec le groupe sculpté dans cette même pierre, ne permettait pas de considérer que la sculpture ait été dès l'origine destinée à orner la sépulture. Par suite, la sculpture ne pouvait être regardée comme ayant été conçue pour être incorporée à la sépulture formée par la tombe et la stèle.

Si la ministre de la culture soutenait que la dépose de la sculpture, qui impliquerait un descellement de celle-ci, porterait atteinte à l'intégrité du monument funéraire, elle ne l'établit pas, et ne démontrait pas que cette atteinte affecterait la sculpture elle-même et non la sépulture qui ne présente en elle-même aucun intérêt artistique suffisant. Par suite, la sculpture " le Baiser " ne pouvait davantage être regardée comme étant incorporée aux éléments immobiliers de la sépulture à un degré tel qu'elle ne puisse en être dissociée sans qu'il soit porté atteinte à l'ensemble lui-même ni à l'intégrité de l'œuvre elle-même.

En regardant le groupe sculpté " Le Baiser " comme un immeuble par nature et en l'inscrivant au titre des monuments historiques sur le fondement de l'article L. 621-25 du code du patrimoine, le préfet de Paris a entaché son arrêté d'une erreur dans la qualification juridique des faits. Les appelants, ayants droit de la concession funéraire, sont par suite fondés à en demander l'annulation.

Le jugement du Tribunal administratif de Paris, ainsi que les arrêtés du préfet sont annulés. Il est enjoint au préfet de Paris de procéder au réexamen de la déclaration de travaux à intervenir sur la sculpture " Le Baiser " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Source : CAA de PARIS, 4ème chambre, 11/12/2020, 18PA02011, Inédit au recueil Lebon

Marion Perchey
Juriste en droit funéraire

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